"Nous interrompons désormais notre programme..."
Le journaliste a changé de ton. Ce n'est pas qu'il a blêmit ; c'est surtout qu'il a hésité. Trop de choses en jeu, trop de pression sur ses épaules.
"...pour diffuser un message qui nous vient de... de l'ordre des Chevaliers impériaux."
L'hologramme se brouille, les lignes se tordant confusément à la manière d'un entrelacs de serpents soudains enragés ou en proie à la plus vive des souffrances. Le chuintement rauque de la voix survient aux oreilles une seconde avant que l'image ne se stabilise, révélant une silhouette haute et élancée, vêtue de sombres atours et le visage aussi pâle que l'ivoire. Ses paroles retransmises tombent comme un couperet, doucereuses malgré la voix presque éraillée.
"Depuis un temps que l'on qualifierait trop faiblement d'immémorial, l'être vivant a lutté. Pour de bonnes, pour de mauvaises raisons ? Ces points de vue ont divergé d'une culture à l'autre. D'un oeil à l'autre. D'abord, l'état de nature était l'ennemi de tous ; il finit par laisser place à l'Etat, à la société. A la civilisation."
Le singulier messager releva légèrement la tête, comme s'il cherchait à dévisager le destinataire qu'il ne pouvait voir en aucune façon.
"Depuis ce temps, tous se sont succédés. Monarchies, Républiques, Empires... Gouvernés par de bons et de mauvais princes, les peuples se sont élevés et ont chuté. Mais jamais, jamais, un peuple ne s'est élevé de façon homogène. Activistes, militants, révolutionnaires, terroristes... La voix de la haine s'est toujours élevée pour venir se jeter dans les rails du progrès et de la prospérité. Pourquoi ? Pourquoi ce mécontentement ?"
Le chevalier écarta les bras dans un geste d'impuissance.
"Nul n'est parfait et nul n'est divin. Quelle que soit sa qualité, un prince ne saurait mener ses sujets à un lendemain meilleur sans faire de sacrifices. Et ce sont ces sacrifiés, ces immolés à la majorité, qui renâclent à finir sur l'autel du bien commun. Qui pourrait leur en vouloir ?"
Il baissa légèrement le nez, et sa voix se fit plus sombre. Une pointe de dépit y transparaissait, et même les plus sceptiques pouvaient douter ; habile manipulation du langage et de l'expression, ou désarroi authentique ?
"Non, nous, l'ordre des Chevaliers impériaux, ne haïssons pas les rebelles ; ce serait malhonnêteté de notre part. Mais leur fin et leur soumission est nécessaire à la sauvegarde des fidèles de l'Empire. Notre Impératrice, louée soit sa bienveillance, souffre de ne pas être parvenue à faire de chaque citoyen, du plus influent au plus humble, un être heureux et épanoui ; mais elle a enfin réussi, oui, enfin réussi...!"
Et une détermination féroce prenait lentement possession des propos du Chevalier, toujours aussi froids, toujours énoncés avec ce même soin... mais plus vibrants. Plus emplis de son ressentiment.
"...enfin réussi à créer une institution protectrice des mondes, son Empire ! Que s'élève la voix de la planète qui peut prétendre avoir un ennemi meurtrier, qui peut prétendre ne pas avoir accès à la justice intransigeante de son règne, qui peut oser, seulement, déclarer avoir un rival qui ne saurait être muselé par l'autorité impériale ! Toutes relations, tout échange, sont régulés par l'Empire. Privation de liberté ! Ingérence ! Contrôle dictatorial ! hurlent les hommes sans foi et les politiciens avides. Ceux-là sont les mêmes qui ont donné lieu, directement ou indirectement, à tous ces attentats au travers de la galaxie entière. Ceux-là sont ceux qui offrent la tête de leur population au billot de la répression, et se terrent dans les systèmes éloignés loin du châtiment de la justice."
Le mépris et le dédain transparaissaient clairement derrière chaque lettre.
"N'écoutez pas les idéalistes abusés, les privilégiés, qui ne connaissent pas le sentiment d'insécurité. L'Empire a retenu votre liberté par le col pour vous priver de celle de faire du mal à votre voisin. Souhaitez-vous réellement que chaque peuple belliqueux de la galaxie soit relâché sans plus de gardien pour vous protéger ? Qui craignant la justice impériale, se livrera à la barbarie et à la guerre ? En réduisant cette liberté au nom de laquelle tant d'âmes ont été fauchées, l'Empire a instauré la plus grande paix jamais vue ! Stabilité politique, contrôle soigneux de la répartition des ressources... prospérité, calme et sécurité. Qui troquera ceci pour l'incertitude, le doute de la rivalité acharnée et dépourvue non seulement de règles, mais encore d'arbitre ?"
Le Chevalier avait fait les cent pas en déclarant ceci, l'hologramme reproduisant fidèlement son mouvement sans que l'image ne se déplace d'un pouce.
"La République peut gouverner avec brio cent citoyens. Mille citoyens. Quelques millions de citoyens. Au-delà, procédures, corruption et dérèglement de l'administration - devant l'ampleur de la tâche ! - laissent place à l'abus des puissants, à la dictature déguisée d'une multitude de roitelets galactiques qui oppressent et écrasent ceux qui leur sont soumis. Le parlementarisme ! Une illusion pour la foule. Telle est la réalité !"
Il martelait ces mots.
"Nous devons être unis pour vivre, ou ce sera une galaxie qui brûlera, qui sera mise à genoux dans les larmes, qui regrettera le temps passé d'un Empire sauvegardant la paix et l'ordre. Qu'aucun coeur ne prête attention aux propos manipulateurs des hommes qui veulent l'appui des foules pour mener à bien leurs ambitions ! Car vous êtes la seule arme dont ils disposent."
Là-dessus, l'émissaire exécuta un signe flou de la main. Cette fois, ce fut sa représentation qui réagit avant sa voix, disparaissant tandis que le son grésillait encore :
"Ne sacrifiez pas votre vie à la minorité qui refuse de vous être immolée - pour la sécurité de votre avenir. Nous, chevaliers impériaux, servirons fidèlement la paix et la préserverons de tout trouble."
"Nous reprenons notre programme, avec les nouvelles suivantes..."
Le journaliste a changé de ton. Ce n'est pas qu'il a blêmit ; c'est surtout qu'il a hésité. Trop de choses en jeu, trop de pression sur ses épaules.
"...pour diffuser un message qui nous vient de... de l'ordre des Chevaliers impériaux."
L'hologramme se brouille, les lignes se tordant confusément à la manière d'un entrelacs de serpents soudains enragés ou en proie à la plus vive des souffrances. Le chuintement rauque de la voix survient aux oreilles une seconde avant que l'image ne se stabilise, révélant une silhouette haute et élancée, vêtue de sombres atours et le visage aussi pâle que l'ivoire. Ses paroles retransmises tombent comme un couperet, doucereuses malgré la voix presque éraillée.
"Depuis un temps que l'on qualifierait trop faiblement d'immémorial, l'être vivant a lutté. Pour de bonnes, pour de mauvaises raisons ? Ces points de vue ont divergé d'une culture à l'autre. D'un oeil à l'autre. D'abord, l'état de nature était l'ennemi de tous ; il finit par laisser place à l'Etat, à la société. A la civilisation."
Le singulier messager releva légèrement la tête, comme s'il cherchait à dévisager le destinataire qu'il ne pouvait voir en aucune façon.
"Depuis ce temps, tous se sont succédés. Monarchies, Républiques, Empires... Gouvernés par de bons et de mauvais princes, les peuples se sont élevés et ont chuté. Mais jamais, jamais, un peuple ne s'est élevé de façon homogène. Activistes, militants, révolutionnaires, terroristes... La voix de la haine s'est toujours élevée pour venir se jeter dans les rails du progrès et de la prospérité. Pourquoi ? Pourquoi ce mécontentement ?"
Le chevalier écarta les bras dans un geste d'impuissance.
"Nul n'est parfait et nul n'est divin. Quelle que soit sa qualité, un prince ne saurait mener ses sujets à un lendemain meilleur sans faire de sacrifices. Et ce sont ces sacrifiés, ces immolés à la majorité, qui renâclent à finir sur l'autel du bien commun. Qui pourrait leur en vouloir ?"
Il baissa légèrement le nez, et sa voix se fit plus sombre. Une pointe de dépit y transparaissait, et même les plus sceptiques pouvaient douter ; habile manipulation du langage et de l'expression, ou désarroi authentique ?
"Non, nous, l'ordre des Chevaliers impériaux, ne haïssons pas les rebelles ; ce serait malhonnêteté de notre part. Mais leur fin et leur soumission est nécessaire à la sauvegarde des fidèles de l'Empire. Notre Impératrice, louée soit sa bienveillance, souffre de ne pas être parvenue à faire de chaque citoyen, du plus influent au plus humble, un être heureux et épanoui ; mais elle a enfin réussi, oui, enfin réussi...!"
Et une détermination féroce prenait lentement possession des propos du Chevalier, toujours aussi froids, toujours énoncés avec ce même soin... mais plus vibrants. Plus emplis de son ressentiment.
"...enfin réussi à créer une institution protectrice des mondes, son Empire ! Que s'élève la voix de la planète qui peut prétendre avoir un ennemi meurtrier, qui peut prétendre ne pas avoir accès à la justice intransigeante de son règne, qui peut oser, seulement, déclarer avoir un rival qui ne saurait être muselé par l'autorité impériale ! Toutes relations, tout échange, sont régulés par l'Empire. Privation de liberté ! Ingérence ! Contrôle dictatorial ! hurlent les hommes sans foi et les politiciens avides. Ceux-là sont les mêmes qui ont donné lieu, directement ou indirectement, à tous ces attentats au travers de la galaxie entière. Ceux-là sont ceux qui offrent la tête de leur population au billot de la répression, et se terrent dans les systèmes éloignés loin du châtiment de la justice."
Le mépris et le dédain transparaissaient clairement derrière chaque lettre.
"N'écoutez pas les idéalistes abusés, les privilégiés, qui ne connaissent pas le sentiment d'insécurité. L'Empire a retenu votre liberté par le col pour vous priver de celle de faire du mal à votre voisin. Souhaitez-vous réellement que chaque peuple belliqueux de la galaxie soit relâché sans plus de gardien pour vous protéger ? Qui craignant la justice impériale, se livrera à la barbarie et à la guerre ? En réduisant cette liberté au nom de laquelle tant d'âmes ont été fauchées, l'Empire a instauré la plus grande paix jamais vue ! Stabilité politique, contrôle soigneux de la répartition des ressources... prospérité, calme et sécurité. Qui troquera ceci pour l'incertitude, le doute de la rivalité acharnée et dépourvue non seulement de règles, mais encore d'arbitre ?"
Le Chevalier avait fait les cent pas en déclarant ceci, l'hologramme reproduisant fidèlement son mouvement sans que l'image ne se déplace d'un pouce.
"La République peut gouverner avec brio cent citoyens. Mille citoyens. Quelques millions de citoyens. Au-delà, procédures, corruption et dérèglement de l'administration - devant l'ampleur de la tâche ! - laissent place à l'abus des puissants, à la dictature déguisée d'une multitude de roitelets galactiques qui oppressent et écrasent ceux qui leur sont soumis. Le parlementarisme ! Une illusion pour la foule. Telle est la réalité !"
Il martelait ces mots.
"Nous devons être unis pour vivre, ou ce sera une galaxie qui brûlera, qui sera mise à genoux dans les larmes, qui regrettera le temps passé d'un Empire sauvegardant la paix et l'ordre. Qu'aucun coeur ne prête attention aux propos manipulateurs des hommes qui veulent l'appui des foules pour mener à bien leurs ambitions ! Car vous êtes la seule arme dont ils disposent."
Là-dessus, l'émissaire exécuta un signe flou de la main. Cette fois, ce fut sa représentation qui réagit avant sa voix, disparaissant tandis que le son grésillait encore :
"Ne sacrifiez pas votre vie à la minorité qui refuse de vous être immolée - pour la sécurité de votre avenir. Nous, chevaliers impériaux, servirons fidèlement la paix et la préserverons de tout trouble."
"Nous reprenons notre programme, avec les nouvelles suivantes..."