Connaître, ne pas connaître. La vie avait cette beauté de vous faire découvrir les facettes de votre entourage sous les divers aspects de chaque vérité. Le non-dit avait cet avantage de n’être qu’une vérité tut et à la fois un mensonge révélé. Il n’y avait rien de plus terrible que de croire savoir connaître un individu, et se rendre compte que la personne en question était mue par les desseins les plus opposables que les traits avec lesquels on aurait pu vous y confondre. Et pourtant, il existait toujours cet étonnement de voir que ces individus en questions nous surprenaient toujours dans leurs choix, car peut-être leurs choix eux même étaient d’un tout autre raisonnement que celui qui vous avait amené à côtoyer ces personnes aux premiers abords.
Il y avait toujours, à chaque relation, l’introspection propre à la rencontre, ainsi que le moment fatidique où ces individus même que l’on pensait alliés deviennent soit des fantômes d’un passé éloigné, soit des ennemis du cœur. Le père de Skywalker avait choisi sa voie, une voie qui n’était ni propre ni mauvaise, mais qui indéniablement avait amené à se confronter aux idées que les plus sages du Conseil de l’Ordre se faisaient de l’instauration d’une paix universelle entre les individus. Un pouvoir gâché, un pouvoir usé. Après tout, quiconque use de pouvoir ne serait-il pas prédestiné à le gâcher aux yeux des autres ? Le pouvoir lui-même se consume tout comme la soif de pouvoir ne s’épanche que dans son flot d’insatiable demande.
Les individus sont pourtant, et malgré tout, connectés les uns aux autres, tant et si bien que lorsque l’on cherche à éviter une personne à tout prix, l’on se rend compte qu’indéniablement, toutes les lois de l’univers tendent à ce que cette personne refasse surface dans votre existence, à un moment ou un autre. Ces même personnes que l’on pensait loin de tout, au-delà de tout ce qui aurait put être votre recul, quel qu’il soit, physique ou spirituel, hantent indéniablement votre passé, et indirectement, votre présent. Le vieil ermite se souvint alors de ces jours où tout ce monde s'aimait, tout ce monde aujourd'hui aigri par l’âge, égaré par le temps et dispersé par les choix, ces jours où chacun se regardait – à une époque antérieure à ces temps de troubles – dans la plus grande des honnêtetés, aux envies de partages supérieures à celles de jalousies.
Si tant est que la jalousie prenait sa source dans le désir personnel, et non dans la quête d’égalité, il était difficile de concevoir que les amis d’autrefois étaient les ennemis d’aujourd’hui. L’avenir ? Il était trop vague pour qu’il puisse être conçu, mais l’au-delà avait, tout comme la vie, cette beauté de vous faire découvrir les facettes de votre entourage sous les divers aspects de la réalité. Le chemin de chacun prenait toujours la même destination, quoique fussent les idéaux levés, quoi que fussent les propos tenus. Tous aspiraient à devenir l’égal des autres, et à ce titre l’égal de lui-même. Après tout, n’était-ce pas dans l’adversité que l’on se comprenait le mieux ? Les amis d’hier ne l’étaient-ils pas par nécessité ? Les ennemis d’aujourd’hui n’étaient-ils pas, par un raisonnement inverse, ennemis par fatalité ?
Le vieux Jedi observait ce jeune plein de vie, de fougue et de bravoure face à lui, mais le gouffre insondable de l’éternelle question persistait comme le fil coloré d’une comète, à travers les yeux pâlots de ces chevaucheurs célestes, comme un héritage familiale, l’héritage maudit, celui du questionnement lui-même. C’est ce qu’il voyait, à présent. Ce n’était pas cette âme qu’il avait tenté de purifier de la corruption des mauvais, ni même le rebelle enfantin, mais bel et bien la volonté de son paternel, et la sagesse de feu Naberrie. L’on est ce que la vie, l’existence et l’expérience fait de nous, tout comme il est possible de croire que tout un chacun détient en lui la clef lui permettant de s’extraire de ce fatalisme inéluctable grâce à des choix précis, définis par la courbe du temps et des relations.
Qu’avait mené ce jeune homme à retourner sur son passé ? Revenir sur les traces de son père pour la volonté de le connaître ou de se connaître lui-même à travers son père, un questionnement sans fin ni fond, dont la réponse pourrait apporter autant de vagues à la vie d’un être que la non réponse. Ne cherchait-il pas simplement à se reconnaître en quelqu'un, et par simplicité de raisonnement de mortel, en son père ? Et brièvement, le Jedi observa ce nouvel être plein de vie face à lui, son père n’était ni un ennemi ni un ami pour le sage grisonnant. Il n’était autre qu’une rencontre dans sa vie qui aura apporté une réponse à l’existence même de son propre être, une réponse à son entourage d’antan, une réponse à l’univers tout entier. Une réponse qui se trouvait en face de Yoda. Luke, était la réponse.
Yoda le regarda droit dans les yeux, et d’un air profondément grave, il lui dit :
« Un peu de soupe, jeune Skywalker ? »
Spoiler :
HJ : Wops, un peu long là j'avoue ^^"