S'allier pour mieux régner...

Les codes d'identification de l'énorme cargo furent envoyés dans le plus grand silence à l'immense croiseur qui lui faisait face. Personne sur le pont supérieur du Viscère n'avait parlé depuis presque trois heures. Sur le siège du Navigateur, à l'endroit même où avait l'habitude de s'asseoir Runasimi Quechua, le chef mythique de l'Eyttyrmin Batiiv, Bendak Keltan était assis. Avachi eut été plus correct. Son regard était sombre et pensif, sa tête appuyée sur la paume de carbone de sa main droite, ses doigts métalliques tapotant à intervalles régulier sa tempe. Sa vie avait basculée en quelque semaines sans même qu'il s'en rende compte, et il regrettait déjà le temps où il n'était que mécanicien, passant ses journées à fond de soutes à réparer chasseurs et cargos.
Runasimi Quechua était mort.
Immédiatement, les ambitions et les caractères s'étaient révélés au grand jour, chacun revendiquant sa légitimité en tant que nouveau chef de l'organisation pirates. Les uns avançaient leur expérience, les autres mettaient en balance leur courage, les derniers se vantaient de posséder le charisme nécéssaire à tout chef. A Force de discussion, de débats, et, il faut bien l'avouer pour certains, de coups bien placés, trois têtes s'étaient dégagées de la masse. La première était celle de Drall Zandar. Son visage de Duros était aux trois quarts de tissu cicatriciel. Le moteur de son chasseur avait pris feu au décollage, et il s'en était fallu de justesse pour qu'il ne finisse pas carbonisé dans son cockpit. Drall passait pour être le pilote le plus agile et le plus téméraire de toutes les escadres de chasseurs, et à ce titre, il avait gagné le respect de nombre de pilotes, qui l'avaient soutenu dans sa conquête du pouvoir. Pourtant, face à lui, Bassadro Dol, un humain, s'était lui aussi lancé dans la course à l'investiture, soutenu par nombre de survivants de la bataille de Khuiumin. Ces deux candidats potentiels auraient pu se livrer à une élection démocratique, mais il avait fallu que l'un et l'autre réclament le trône de droit, créant une fracture nette au sein même de la flotte pirate et bloquant tout processus de négociation.
C'est là qu'était intervenu Bendak. Lassé de voir Drall et Bassadro se livrer une guerre fratricide, il s'était peu à peu imposé comme intermédiaire des deux parties, et cette initiative intelligente avait finie par séduire les indécis ainsi que les modérés de chaque camps, plus désireux de reprendre leurs activités que de se livrer à ce conflit intestin qui paralysait le fonctionnement de la Batiiv.
Cette dernière était donc désormais commandée par un triumvirat fragile, dont la clé de voute se trouvait être l'homme au bras de carbone. A ce titre, ce dernier avait hérité du commandement du Viscère, tandis que Drall avait établi son QG dans la Canonière Vanguard "le Smoke of Duros" et Bassadro dans la corvette Marauder "La Fille de Naboo".

-Ici le commandant Keltan. Lança finalement Bendak, brisant le silence de mort qui régnait sur le pont. Nous attendons vos codes d'identification. Ravi de vous revoir, les amis...
Il avait prononcé ces derniers mots sans la moindre chaleur. Il n'était pas plus ravi que ça, mais il avait été briefé par les vieux de la vieille, et savait que si Zann était de retour, il allait falloir être courtois pour arriver à quelque chose...

Les doigts métalliques de Bendak enserrèrent la paume charnue de Tyber Zann. A ce moment précis une étrange impression l'envahit. L'homme qui se tenait en face de lui, bien que cent pour cent organique semblait être fait du même métal que son bras de substitution. Son regard était calme mais froid, ses traits fins lui donnaient un air aristocrate, qui collait mal à un homme ayant passé de longues années dans les mines d'épice de Kessel. Seule la longue balafre qui barrait son visage témoignait des batailles que le personnage avait mené.
Ce qui surprit une deuxième fois le fraichement promu commandant Keltan fut la rapidité avec laquelle son vis-à-vis entra dans le vif du Sujet. Visiblement, tous les chefs pirates ne semblaient pas être fait du même matériaux que le très mystérieux Runasimi Quechua. Le nouveau commandant du Viscère sourit.
-Eh bien, Monsieur Zann. Je vois que ne vous ne vous embarrassez pas de politesses ni de protocole. Je suis Bendak Keltan, commandant de cette énorme... chose. Il désigna d'un vague geste de la main le cockpit du VCI. Pas très discret, pour des pirates. Mais il a l'avantage d'embarquer énormément de marchandise. Mais passons. Venez avec moi. Il s'avança vers l'immense baie vitrée qui surplombait tout l'avant cargo. Bienvenue dans le centre de commandement opérationnel de toute la flotte de l'Eyttyrmin Batiiv. Ou plutôt ce qu'il en reste. Deux chasseurs dépassèrent la salle de commande par tribord et disparurent sous la carlingue du cargo. Autant vous le dire tout de suite, je ne suis pas Runasimi Quechua et je n'ai pas la vocation de poursuivre son œuvre. Je ne devrais peut être pas vous dire ceci, mais sa disparition m'arrange bien. Voyez vous, l'Empire est le responsable de nombre de mes malheurs, et je tiens enfin dans ma main un instrument suffisamment puissant pour lui rendre la pareille. Les grandes causes ne m'intéressent pas, et je me fiche de ce qu'il se passe au Sénat, mais je dois vous avouer que mon unique objectif est de devenir la plaie numéro un des moffs et autres huiles de l'Empire. Je crois savoir que vous avez passé un certain nombre d'année à l'ombre à extraire du Glitterstim sur Kessel, et j'imagine que vous avez également quelques compte à régler avec nos amis en uniformes gris... Bendak Marqua une pause et respira longuement.
-Si tel est le cas, sachez que Je serai personnellement ravi de faire affaire avec vous. Bien que mal en point cette organisation dispose encore de nombreuses ressources, tant financières que matérielles et individuelles, dont la plupart dorment en attendant de servir à quelque chose. Mais avant cela, il faudrait me rendre un petit service... Bendak, qui jusqu'à présent regardait l'avant du cargo tourna son regard vers Tyber Zann.
-Je ne suis en réalité pas l'unique commandant de tout ce que vous voyez devant vous. La disparition de Runasimi Quechua a fait bien des vagues, et je n'ai d'autorité que sur une petite moitié de la flotte. Le reste est soumis à l'autorité de deux capitaines. Bassadro Dol et Drall Zandar. Jusqu'à présent, nous nous sommes tous trois efforcés de maintenir une certaine cohésion dans nos décisions, mais si nous venions à nous allier, votre présence pourrait redistribuer les cartes, et, vous vous en doutez, j'entends que ce soit à mon avantage. L'apport de votre soutien exclusif à ma personne me donnerait suffisamment de poids pour récupérer le contrôle de l'intégralité de ce qui je l'espère sera bientôt MA flotte...

Ces yeux noisettes ? Tyber Zann, le plus célèbre ex-pensionnaire des mines de Kessel venait-il bien de faire référence à "ces yeux noisettes" comme si de rien n'était ? Bendak ne cilla pas, mais ne put s'empêcher de penser que l'un des ennemis publics les mieux classé sur le tableau de chasse de l'Empire devait avoir consommé un peu trop du fameux Glitterstim lorsque son unique travail consistait à l'extraire des galeries du monde-prison.
Au moins, une chose lui apparaissait comme sûre, Tyber Zann ne lésinait pas sur les moyens lorsqu'il tentait de convaincre un interlocuteur de se rallier à son point de vue. Ce coup ci, il avait sorti la grosse artillerie. Mise à disposition d'infrastructures, soutient inconditionnel face à d'éventuels rivaux, Zann n'avait pas fait les chose à moitié, et Bendak ne put que s'en réjouir.
-Zann, lui répondit-il donc. Je suis ravi que notre collaboration future démarre avec autant d'enthousiasme. Soyez assurés que la Batiiv se montrera digne de la confiance que vous lui accordez. Mes hommes n'ont qu'une parole, et bien que l'insubordination soit un mal qui ronge certain de mes chers subalternes, le manque d'efficacité ne fait pas partie de la longue liste de défaut que l'on pourrait leur reprocher.
Cette grande carcasse qu'est la Flotte Pirate avait besoin d'un nouvel élan, d'un nouveau but pour se remettre en ordre de marche après les épreuve qu'elle a traversé et notre future coopération ne sera qu'une dose de carburant supplémentaire dans notre progression vers les sommets.
Bendak regarda Urai Fen un instant. Malgré son aspect massif, il ne l'avait presque pas remarqué, et cela lui fit froid dans le dos.
-Il est temps, Zann, que cette galaxie tenue en laisse retrouve sa liberté. Il est temps de secouer un peu cette jolie boite où les systèmes dorment, bien rangés les uns à côté des autres. Je n'ai jamais été homme à rester dans un bureau à compter mes millions. L'autorité m'ennuie, les règles me lassent, et la paix n'est pas mon élément.
Bendak sortit son antique blaster de son Holster, et l'exposa à la lumière des néons du pont supérieur.
-C'est tout ce que mon cher père m'a laissé en mourant. Il fit tourner l'arme autour de son index métallique. Une antiquité tout juste capable de transformer son gaz en laser. Jusqu'à présent, je m'étais toujours demandé si je devais y voir un sens quelconque, ou s'il s'agissait d'une pure coïncidence. Aujourd'hui, je sais que mon père voulait que je fasse ce qu'il n'a jamais osé faire. Prendre mon destin en main, et me frayer un chemin jusqu'au sommet en usant de ceci. La seule réelle source de pouvoir. Le pouvoir ne vient pas d'un titre, ou d'un nom, seulement de sa capacité à exercer la violence contre autrui. Les dirigeants emploient leur police, les généraux leurs armées, les Jedi leur Force. Les gens comme nous se limitent à l'emploi de ceci. Et c'est parce que nous avons la capacité de nous en servir que nous deviendrons bien plus puissants que bien des politiciens en ce bas monde. Je sais que vous comprenez ce que je veux dire Zann, et que vous savez vous aussi, qu'un jour où l'autre, le monde sera à notre merci.
Bendak rangea le blaster après sa tirade.
-Trèves de blablas inutiles Zann. Passons aux choses sérieuses. La Batiiv ne dispose pas encore d'infrastructure fixes et stables mais sa nouvelle politique d'expansion remédiera bientôt à ce problème. En attendant, voici le deal que je vous propose. En échange de l'utilisation de vos ports, je vous offre l'intégralité des soutes du Viscère. En d'autres termes, je vous propose d'utiliser mon bâtiment pour le transport de vos cargaisons, le temps que nous fassions l'acquisition des diverses babiole qui nous font défaut. Qu'en dites vous?

Un rictus barra le visage de Bendak. Il prenait conscience que son objectif serait bientôt une réalité. Ses jeunes années sur Chandrilla comme Docker lui paraissaient à la fois si lointaine et si proche. Il revoyait son appartement de Coruscant, où il n'avait finalement passé que quelque nuits. Il se souvenait des deux pirates qui étaient venu le chercher ce soir là dans la cantina, du voyage exécrable qu'ils avaient fait jusqu'à la Ruche, au milieu de nulle part. Il renvoyait encore le visage de Wayctor Timbalt, son supérieur de ses débuts, des longues semaines qu'il avait passé à réparer le mastodonte à bord duquel il volait actuellement. Il avait enduré chaque jour avec stoïcisme, il avait accepté la nourriture exécrable des cantines du Viscères chaque soir. Il avait respiré chaque jour le même air recyclé par le système de ventilation du Viscère, avec l'intime conviction qu'il aurait un jour l'occasion de prendre sa revanche sur l'Empire, la vie, et tout ceux qui l'avaient un jour regardé de haut. Tyber représentait cette occasion. Une poignée de main, et Bendak savait qu'il serait assuré de rentrer enfin dans la cour des grands du crime organisé.
La Batiiv restait encore fragile, mais avec un allié du poids du Consortium, son champ d'action allait considérablement s'accroitre et sa courbe de bénéfices irai sans doute de paire, à condition de jouer finement.

Bendak n'avait pas réellement imaginé sa vie ainsi. Sur Chandrilla, il avait passé ses nuits à s'imaginer commandant de féroces mercenaires harcelant les forces de l'Empire dans les jungles de Rodia, se cachant dans des cavernes pour fuir des patrouilles toujours plus agressives. Il avait un temps pensé mettre son don pour la mécanique à profit pour fonder une entreprise titanesque et attaquer l'Empire au porte monnaie. Il avait même pensé rejoindre les rangs de la flotte impériale qui avait bombardé son monde, et en gravir les échelons pour liquider l'ordure qui avait donné l'ordre de l'assaut. Mais la vie en avait décidé autrement. Il était désormais le commandant d'une armada de pirates, et son vis à vis devait sans doute figurer dans le top dix des criminels les plus recherchés de l'Empire. Cela était bien. Il intègrerait également le classement, et ce par la grande porte.
Bendak tendit donc une deuxième fois sa main de métal en direction de Tyber, dans ses yeux, la flamme de la revanche brûlait le bois de l'ambition.

-Associés.