Vive le vent, vive le vent, vive le vent d'Hiver !
Vi crevait de froid. Emmitouflée dans un grand manteau gris, une chapka de fourrure sur le crâne, sous écharpe enroulée autour du cou, elle frissonnait comme un gamin malade, pestant vertement contre le temps pourri. Elle avait passé quelques mois sur une planète désertique juste avant de mettre les pieds ici, erreur fatale. Maintenant, elle allait mourir congelée, une mort ridicule s'il en était.
Non, vraiment, Vi devenait une Mandalorienne surgelée, ce n'était plus possible.
Elle tapa le bout de son pied botté au sol, espérant faire revenir le sang dans ses charmants arpions, et lâcha un juron bien senti. Elle poireautait là, dans le froid, attendant qu'un videur aussi aimable qu'une porte de prison ne consente à la laisser rentrer dans la cantina bondée. Si elle avait porté son armure, il aurait moins fait le malin… A la simple évocation du mastodonte s'écrasant devant la face colérique de son casque, la jeune guerrière laissa un sourire féroce ourler ses lèvres. Oh que oui, elle avait furieusement envie de le voir se décomposer face à ce que les aruetiise voyaient comme une marque de menace. Croiser du regard la visière en T provoquait toujours une hésitation, une gêne chez les non-casqués, qui ne savaient pas lire les émotions d'un fils de Mandalore caché derrière l'acier et les marques de son précieux buy'ce. C'était pourtant facile, avec un peu d'entrainement !
Sauf que, bien sûr, elle n'avait pas son casque. Ni son armure. Tout était chez sa sœur et son beau-frère, pour être réparé. Elle devait donc se contenter d'un regard mauvais envers le videur, qui se contrefichait totalement de la crevette tatouée qui se tenait devant lui. Saleté de géant d'un mètre quatre-vingt-dix…
Au bout de quelques dizaines de minutes, de guerre lasse, la jeune femme décida d'abandonner le combat et de chercher un autre lieu où se mettre au chaud. Dommage, elle raterait la meilleure bière de la ville, mais au moins serait-elle au chaud. Avec un dernier regard hargneux au pauvre type qui ne faisait que son travail, elle fit crisser ses pieds sur le sol et se dirigea vers une autre enseigne lumineuse, de l'autre côté de la rue. S'ils n'avaient pas la bière, celle que sa sœur lui avait tant vantée, ils auraient au moins quelque chose de chaud.
Qui s'en va, en soufflant, dans de grands sapins verts !
Le pas déterminé et le nez gelé, elle déboula dans l'autre cantina au pas de charge, incarnation même des tempêtes de neige. Son manteau doublé était blanc de givre, ses tresses raidies par le froid et le bout de ses doigts, non protégés, bleutés comme l'armure de son ex-mari. Quand on vous parlait de Mandalorienne au rayon "surgelés", hein…
Le gérant de la cantina lui jeta un regard haineux, sans doute influencé par la politique de l'Empire. Quelle était donc cette femme, visiblement pas Humaine pure souche, qui débarquait ainsi dans son établissement comme en terrain conquis ? Malheureusement pour lui, il ne pouvait refuser une cliente, surtout pas avec le nombre de personnes dans sa salle. Une vingtaine de gus, tout au plus, se tenaient çà et là, discutant et buvant dans un brouhaha léger. Il avait besoin des quelques crédits de chaque client, quand bien même un desdits clients était une petite teigne aux tatouages très voyants.
- Ha whéééé, quand même, murmura Vidahra.
Effectivement, la cantina était moins bondée que l'autre. Pendant quelques secondes, elle se demanda si elle n'allait tout compte fait pas retourner devant le molosse et attendre de pouvoir entrer, puis le froid la dissuada. Elle allait donc être lâche et rester au chaud, au moins quelques minutes.
La jeune combattante traversa la salle comme une tornade pour s'installer non loin du tenancier, qu'elle héla d'une voix rendue rauque par le froid. Elle lui commanda un vin chaud bizarre et de quoi occuper ses crocs avant de le laisser retourner à ses occupations, et s'installa confortablement. Avec un ronronnement d'aise, elle se laissa aller dans son siège tout en ôtant son bonnet de fourrure et son grand manteau, dévoilant des bras dramatiquement nus malgré le climat local. Peut-être que c'était pour ça qu'elle s'était gelé les fesses, après tout…
Le vin chaud et quelques tranches de viande furent déposés sur sa table sans ménagement, lui arrachant un sourire satisfait. Son attente allait être bien plus agréable, maintenant. Comment ça, "c'est quoi cette histoire d'attente" ? Je ne vous avais pas dit pourquoi notre délicieuse brunette était sur cette planète glaciale et moche ? Tout simplement parce qu'elle attendait qu'une navette décolle pour la mener vers un lieu plus chaud, son précédent moyen de transport l'ayant lamentablement planté sur Almania. C'était la dernière fois qu'elle faisait confiance à un rouquin, vraiment ! Le coup de dents qu'elle mit dans la viande fut enthousiaste et hargneux, tout comme celui qu'elle placerait sur la gorge de ce stupide poil-de-carotte s'il osait réapparaitre devant elle.
Nahmého.
En attendant, elle n'avait plus qu'à s'installer sur place et à profiter du vin chaud et de la viande. Elle se mit donc à siroter son alcool, écoutant attentivement les conversations qui venaient jusqu'à ses oreilles, essayant de s'informer sur la situation du monde… Et sur les derniers déboires amoureux de la coiffeuse du coin.
L'attente allait être longue…